• Rappel de Produit

     

    Rappel de Produit

               

                 Hier matin, 06h30, j’étais en train  de prendre un Nespresso avec Georges (enfin j’avais commandé un thé car je ne bois jamais de café, ça énerve et je n’ai pas besoin de ça, mais passons, le principal est ailleurs). George était en train de se ramener un plateau à la main : un Volluto pour lui, un thé de Noël pour moi, et nous allions évoquer notre projet commun d’élevage de lamas.

                Tout se passait formidablement bien. Nous venions d’apprendre que notre  financement Sofinco avait été accepté et avions arrêté le choix la race des Lamas : des Guanacos. Une voiture ralentit devant nous et la vitre s’abaissa. Brad était venu nous rejoindre, il commanda un Ristretto.  « Très corsé le Ristretto ! », je lui fais remarquer. Il m’explique alors qu’il s’est pris la tête avec Angélina qui veut déménager cette fois au Mexique, le problème c’est qu’il digère mal Old El Passo. Pas facile la vie.

            Je passais un moment très sympa, vous l’aurez compris, lorsque, loin derrière moi, il me sembla entendre des hurlements. Je me cache la tête sous mon oreiller, tente de reprendre la conversation un petit moment, mais doit vite me rendre à l’évidence : Papa Schultz est trop profondément endormi (peut être bien en train de prendre une camomille avec Natalie Portman) et Dragibus est bien décidé à me saper LE rêve de l’année.

            Je m’excuse auprès des garçons, leur donne rendez-vous pour le soir même sans trop y croire, me réveille et essaye de placer mes yeux en face de leurs orbites. Je m’assois sur le bord du lit, m’étire rapidement pour ne pas ma claquer et c’est parti : but de la manœuvre, faire taire Dragibus et le garder de force avec nous trois petits quart d’heure, histoire de ne pas réveiller les trois autres, et de repousser un peu l’arrivée de la journée de merde.

                Content de me voir, Dragibus ne pose pas la moindre question et me tend les bras. Je ne tente même pas de parlementer, l’attrape et direction la chambre parentale. Allongé entre ses parents, il est tout heureux et suçote son pouce sans rien dire. Deux minutes. Ensuite ça dégénère. Doigts dans le nez (le mien), dans les oreilles (les miennes), coups de pied dans le ventre (toujours le mien, sinon il serait hyper souple) et gigotage dans tous les sens (note de l’auteur : penser à acheter du vermifuge). Après deux ou trois menaces, il finit par se calmer et resuçote son pouce tranquillement. Trois minutes.

                —Elle est voù ma killère ? 

                —Hein ?

                —Elle est voù ma killère ?

                —Chut !

                —Elle est voù ma killère ?

                —Dors !!!

                —Elle est voù ma killèreuhhhh !!!

                —Déjà on dit cuillère et j’en sais Floutre Rien !

    (Note bien que j’ai dit Floutre Rien, et non autre chose.)

                —Ti allume la loumière ? Elle est voù ma killèreuhhh ! Ze veux ma killèreuhh !

               

    Je comprends qu’il est inutile de lutter contre la cuillère, j’aurais du le savoir, me lève et vais farfouiller un peu partout dans le lit de Dragibus, jusqu’à trouver ledit instrument.

                La cuillère ? me direz-vous. LA cuillère... LA CUILLÈRE !!! Un très bel objet, comme dirait Pierre Bellemare, offert par La Redoute en cadeau, que tu ne sais même pas pourquoi tu reçois ça, car t’as rien demandé : un lot de cuillères à Moka.

                Est ce que quelqu’un dans la salle boit du MOKA ?

                Francis au fond ? Une fois chez ta belle-mère ? Ok. Voilà, voilà. J’ai un magnifique service de cuillères à Moka, et Dragibus en est fou d’amour. Je sais pertinemment que chaque enfant est diffèrent, et le trait de caractère le plus remarquable de notre petit troisième est qu’il obstiné et têtu (et fourbe, nan, j’déconne).

                Par phases, qui peuvent durer plusieurs semaines, il trimballe nuit et jour un objet, minuscule de préférence, d’où la cuillère à Moka et non à soupe. Il le perd plus que régulièrement - c’est plus sympa - et la famille Six in the City suspend son souffle jusqu’à ce qu’un des membres ait miraculeusement retrouvé le bidule.

                Pour vous donner une idée, en décembre, nous avons eu la période jeton de caddy Intermarché. Sans déconner. Dragibus prenait son bain avec. Il mangeait avec. En ballade, il le conservait religieusement dans la poche de son pantalon, et il a fallu vraiment se battre à la halte garderie pour qu’il accepte de le laisser dans son sac à dos.

                Ce coup là, j’ai été finaude : je suis allée faire un stock. Où ça ? Ben chez Intermarché, t’as pas suivi ? Je pense que les types de la sécurité se repassent encore les bandes : « Qui est cette timbrée qui vient depuis plusieurs jours prendre des jetons de caddy dans le vase à l’accueil et repars ? ». Parce que le pire c’est que je n’ai jamais compris comment il était tombé sur ce jeton Intermarché. J’y vais pas moi chez Intermarché. Force est de constater qu’ils sont super forts en markéting.

                Tout ça pour dire qu’en ce moment, c’est la cuillère à Moka. À 6h30 du matin, mais ça peut le faire vers 02h00 aussi s’il est dans un bon jour.

                Je vous passe la tête de ravi de la crèche qu’il fait lorsque je lui ramène le Graal, il la prend, la caresse et je suis quasi sûre de l’avoir entendu murmuré « mon précieux.... »

                C’est à ce moment que ma journée prend un tour nouveau. Dans un éclair de lucidité, je réalise que c’est un comportement terriblement suspect, nous avons un problème de taille. Nous nous sommes fait avoir sur la marchandise, mais n’allons pas nous laisser faire sans agir. Le modèle Dragibus a bel et bien un vice de forme, et je vais demander un rappel de produit.

                Une fois toute notre petite troupe levée, entre deux couches, deux bols et deux biberons, je consulte ma moitié qui tombe des nues mais ne peut qu’acquiescer : c’est une évidence il s’est forcément passé quelque chose à un moment donné, mais le résultat est là, nous sommes en possession d’un Dragibus défaillant.

                Nous consultons rapidement le Dieu Google et examinons les réponses qui nous sont proposées. Aussitôt nous tombons d’accord, Papa Schultz montre du doigt l’écran : « C’est un Fragibus »

                Le Fragibus est une espèce qui ressemble à s’y méprendre au Dragibus. Les différences semblent ténues au premier abord, mais se révèlent plus que pesantes au quotidien. Le Fragibus trépigne pas mal, se prend souvent pour un animal domestique, (chat, chien, ou dinosaure). Il est assez violent avec les Micro-Poulettes et se nourrit exclusivement de pâtes et de tomates cerise.

                — Comment être certain que c’est de cela qu’il s’agit ? me direz-vous

                Le doûte pourrait être possible, je vous le concède, si ce n’est qu’il est écrit pixels noirs sur écran blanc : le Fragibus est obsédé par les micro-objets.

                « On est pas foutus ! » dis-je à un Papa Schultz aussi déconfit que moi.

                Nous partons retrouver notre progéniture et mon regard se pose sur Fragibus en train d’installer sa cuillère à Moka dans sa petite poussette, et de positionner avec toute la délicatesse qui le caractérise, un bavoir sur le manche.

                Cette seconde fut décisive : je me dois d’agir. Une fois Pretty-Poulette et Numérobis déposés à l’école, je me rends à la halte-Garderie et laisse mes deux derniers pour la matinée. En temps normal, ces demi-journées sont synonymes de fête et exaltation. Aujourd’hui, pas de récréation pour la Reine-Mère, elle a un point primordial à éclaircir et elle ne doit pas perdre une seconde.

                Je remonte dans ma voiture et prend une route que je ne connais que trop bien : celle de la maternité.

                J’arrive sur la parking bondé et une place se libère juste devant moi, un homme me regarde écarquille les yeux, et me cède sa place. Je sors de la voiture et avance d’un pas plus que décidé vers le hall d’entrée. Je sens bien que tous les regards convergent sur moi. Les gens s’agenouillent, certains s’évanouissent, une petite ingénue tente même de me faire signer un autographe. Je suis en terrain conquis, pensez vous, quatre accouchements en six ans, il y a une plaque à mon nom sur le mur d’honneur.

                J’ignore mes fans façon diva et fonce vers l’accueil. Un homme se presse jusqu’à moi et tente un baisemain :

                — Mme Six in the city ! Si vous aviez annoncé votre venue, j’aurais mis mon habit d’apparat.

                — Le directeur, tout de suite.

                — Mais, Reine Mère ?

                — Waw ! Tout doux l’ami ! D’où tu m’appelles par mon prénom, mon petit chat ? On n’a pas volé les mobylettes ensemble, il me semble...

                — Je vous prie de bien vouloir m’excuser Sainte Femme. Oh ! Six in the city Vénérée !

     

    (Note de l’auteur : Désolée, mais si je ne fais pas ça ici, je ne le ferais nulle part. Alors ça pose un problème à quelqu’un ??? Francis au fond de la salle ??? Tu as un truc à dire ? Non ? Très bien.)

     

                —Appelez moi le Directeur.

                —Mais, Mme Six in the City, je suis vraiment désolée, mais je ne connais pas le directeur de la MAAF.

                —Non mais tu le fais exprès, mon poulet ? Le directeur de la maternité.

     

    Le pauvre homme, visiblement limité, se frappe le front du plat de la main et me guide dans un dédale de couloir jusqu’à une porte dorée. Il tape quatre coups sec de sa chevalière, suivant un code bien particulier, et nous entendons une voix aigrelette nous sommer d’entrer.

                Lorsqu’il me voit, le Directeur saute sur ses deux pieds et s’avance d’un pas vif jusqu’à moi en me tendant une main obligée.

                — Mme Six in the City !!! Vous pouvez nous laisser James. Quel bon vent nous amène... J’y suis, vous attendez le cinquième !

                — Vous n’y êtes pas du tout ! J’aimerai encore mieux avoir dans la seconde les bras en mousse. Et j’en profite pour vous faire remarquer que ça fait trois mois que j’ai pas touché à un Pepito, ni même vu l’ombre d’une tagada, c’est pas très sympa de votre part...

                — Toutes mes excuses, Mme Six in the city. Une si bonne cliente, je pensais... J’allais vous proposer notre chambre lagon pour la prochaine fois.

                — Oui, ben tu pensais mal. Je ne suis pas là pour ça, mais pour éclaircir quelques points douteux concernant Dragibus.

                — Le cher petit... Comment va t’il ? Toujours accro aux chaussures des Barbie de Pretty-Poulette ?

              — Non, c’est de l’histoire ancienne. Depuis il y a eu les jetons Intermarché, une clé de boite aux lettres, et maintenant ce sont les cuillères à Moka. C’est bien ça le problème M. le Directeur.

                — J’ai peur de ne pas saisir ?

                — Je crois bien que vous nous avez refourgué un Fragibus.

                — Grands Dieux non ! Vous n’y pensez pas !

                — J’y pense chaque seconde depuis ce matin, mon petit lapin. Et ça ne va pas se passer comme ça, mon petit chat ! (T’as vu les rimes !)

                — Un établissement de notre renommée ! Nous vous avons fourni de si beaux enfants, tous élevés à l’air et au bon grain.

                — N’essaye même pas de m’endormir, mon petit tapir. Je sais d’où ils sortent mes pensionnaires, je les ai bien sentis. Le problème vient de chez vous, vous nous l’avez endommagé en activant la fonction Fragibus, et vous êtes bien gardés de nous le dire. Mon gars, ta clinique, je vais en faire du petit bois pour ma cheminée.

                S’en suivent dix minutes de conversation technique. Je comprends que le pauvre n’entrave pas grand chose, et il finit par me conseiller de m’en remettre au Grand Manitou : Mme Sage-femme en chef. Si quelqu’un peut me renseigner, c’est bien elle.

                Il fait demander James qui me conduit jusqu’au bureau où consulte cette sommité du monde maternel. Le pauvre type essaye de me faire la conversation mais je suis trop préoccupée pour l’écouter et il est tellement soporifique qu’il endormirait un fumeur de crack en plein trip.

                Arrivés devant ledit bureau, je congédie le pauvre homme et frappe à la porte. Une voix rauque m’invite à entrer. La pièce est mal éclairée. Je devine une silhouette. Une petite femme me tourne le dos, elle fume un cigarillo et ne se donne pas la peine de se retourner.

                — Madame Six in the City... J’espérais tant vous rencontrer un jour en personne...

                — Moi pas vraiment, mais c’est pas grave.

                — Vous vous êtes donc rendue compte par vous même, c’est cela...

                — Vous avouez ? Vous m’avez bien refourgué, un Fragibus, complètement monomaniaque comme sa mère ?!!

                Elle fait volte face et plante ses yeux dans les miens :

                — Pas exactement... Dragibus est un être très particulier.

                — Ah ben merci, j’avais remarqué. C’est qu’il nous en fait voir de toutes les couleurs. Merci bien, les deux ans. Terrible Two et compagnie qu’ils disaient... Castrophic Two oui !! Moi je demande un rappel de produit

                — Vous avez bien mis le doigt là où le bas blesse, Reine Mère... Je peux vous appeler Reine-Mère ?

                — Oh, ben au point où on est hein...

                — Vous êtes bien repartis avec un Dragibus... seulement...

    (Musique stressante de circonstance. Gros plan sur sa bouche. Noir et blanc. Fondu d’image qui va bien)

                — Il a évolué...

                — Non !!!!!

                — En Gragibus...

     

                Je ne me rappelle plus de grand chose après cette annonce. J’ai du crier, baver, convulser, m’évanouir. Un brancardier aux faux airs de Jude Law (sur le moment, car au réveil c’était plutôt Jude Laid) m’a emmené jusqu’en salle de soins intensifs. C’est quelques longues minutes plus tard que Mme Sage Femme en Chef est venue à mon chevet.

                — D’après tout ce que vous m’avez écrit, Dragibus fait effectivement sa crise des terrible Two, mais aussi celle des Fucking Four...

                — C’est pour cela qu’il a évolué ?

                — Pas seulement. Il a entamé, sa préadolescence en zappant l’âge de raison. Et je crois qu’il se dirige actuellement vers la puberté précoce, la crise de la quarantaine et la ménopause de façon concomitante.

                — Mais ???

                — Ne me demandez pas de vous expliquer, c’est extrêmement complexe... A base de vecteurs et de logarithmes népériens. Même Sheldon Cooper n’a pas tout  saisi.

                — Diantre ! C’est du sarcasme ? Et ça va... durer longtemps ?

                — Je dirais... une trentaine d’années. Mais voyez plutôt cela comme une chance, les Gragibus sont des êtres d’exception : ce type d’évolution se produit uniquement dans un environnement propice. C’est extrêmement rare. Le Gragibus va chercher dans les 250 points de puissance. Bon ok, autant en points d’emmerdements, surtout à l’adolescence...

                —Ah oui quand même...

     

                Je quitte la clinique un peu perdue.

                Je passe à la halte garderie chercher Micro-Poulette et mon évolution de Dragibus. La petite dernière fonce vers moi à quatre pattes et Dragibus me saute dans les bras.

                Ils ont du se planter, mis à part une moustache de chocolat, il n’a pas changé...

                C’est alors qu’il me sourit et tire sur mon écharpe :

     

                — Elle est voù ma killère ?

     #tusaiscequejenpensedescuillèresàmoka

    ©Sixinthecity     

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    Tu seras chou et tu sentiras la violette (ou la rose, au choix) pendant deux semaines !

               

     

     

     

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  • Commentaires

    1
    Vendredi 24 Janvier 2014 à 07:49
    Pas merci, j'en ai fait pipi dans mon pantalon tout neuf tellement j'ai rigolu !!
    2
    Vendredi 24 Janvier 2014 à 08:09

    j'ai envie de te dire que ça me fait plaisir, mais ça va peut être pas te plaire!!! désolée pour le pantalon tout neuf, on va dire que c'était son bapteme! bonne journée!!

    3
    Flo
    Vendredi 24 Janvier 2014 à 09:38

    Trop drôle!!!!


    A croquer ce rappel de produit ...merci Six in the City!

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    4
    Vendredi 24 Janvier 2014 à 11:00

    merci Flo! 

    5
    damepoulaid
    Vendredi 24 Janvier 2014 à 23:18

    Alors pas de rappel de produit?   Dommage, on m'a refilé un n°2 défectueux, il a une double agénésie des latérales sup ... c'est le comble pour une mère dentiste!

    j'attends avec impatience a suite des aventure de Gragibus

    6
    Vendredi 24 Janvier 2014 à 23:23

    méfie toi, comme c'est généralement héréditaire, c'est lui qui risque de porter plainte pour "perte de chance" ;-) 

    7
    Solene
    Samedi 25 Janvier 2014 à 12:10
    Trop drôle !!! A mourir de rire surtout quand on connaît la tête de dragibus
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