• Blues Mothers

    Blues Mothers

    Un début de journée ordinaire.

    Une explosion de brique de lait, rapidement gérée.

    Un début de soulèvement des pensionnaires concernant une interdiction de TV, vite contenue.

    Une guerre fratricide ayant pour origine une sombre histoire de tour de Kapla démolie à coup d’épée en mousse, évitée, de justesse certes, mais évitée.

    Nous avions même poussé le vice jusqu’à réussir à gérer, en cinq minutes, la leçon que Pretty-Poulette avait oublié de réviser.

    À l’aise, la Reine-Mère.

    Quasi sans les mains, la gestion du Mansion.

    Presque trop facile...

    Pretty-Poulette et Numérobis à l’école, j’entamai avec Dragibus quelques activités manuelles aussi ludiques que variées, ayant pour seul but de canaliser son attention cinq larges minutes.

    Son choix se porta bien évidemment sur la peinture ou encore la pate à modeler, mais grâce aux ruses de diversion que je maitrisais désormais parfaitement (inspirées des Cités d’Or et de Nils Holgersson et les oies sauvages) je réussis aisément à le remettre dans le droit chemin des passe-temps autrement moins salissants, à base de cartons, de ficelle et de rouleaux - vides – de sopalin.

    Micro-Poulette babillait gaiement tout en longeant les murs de notre séjour, mais tenta une percée vers l’énième tour de Kapla érigée - dans un élan désespéré - par Numérobis juste avant de quitter le Sixinthecity Mansion, et dont j’étais bien évidemment la gardienne jusqu’au retour du bâtisseur.

    D’un bond je la rattrapai, évitant ainsi le massacre de l’édifice et la crise de larme qui serait immanquablement advenue à l’heure du goûter.

    Non, vraiment... D’un classique cette matinée...

    Il me sembla alors que je n’avais plus goût à rien.

    Plus de challenge, plus d’enjeu.

    La routine s’était installée chez mes pensionnaires et je m’attristai de leur manque d’ingéniosité.

    Nom d’une pipe ! Mais n’étaient-ils pas de sang royal ?

    N’étais-je pas en droit d’exiger un minimum de qualité dans leurs entreprises ?

    Tristement déçue. Voilà ce que j’étais.

    Je devais l’admettre, j’étais en proie à une sorte de spleen maternel : mes rejetons étaient d’un banal à pleurer.

    Retenant mes larmes, j’eus subitement un de ces désormais fameux éclairs de lucidité qui me caractérisent. Je farfouillai de mes mains tremblantes dans mon royal sac à main. Là, parmi les choco-BN écrasés, sous des emballages de schokobons, enseveli sous un paquet de lingettes desséchées, je trouvai enfin le Graal : un petit carnet...

    J’ôtai un bouchon de pom’potes qui s’y était collé et tournai fébrilement les pages : voilà !

    Le numéro de Queen-Mummy ! Cette mère de presque neuf enfants connues dans la galaxie entière pour ses conseils en parentalité. La MÈRE par excellence. Il me fallait absolument son avis.

    — Tiens ! Reine-Mère ! Ça roule, ma poule ? Pas trop fâchée depuis l’histoire de la fonction cachée ?

    — C’est pas le sujet Quenny. Si je vous appelle, c’est que je pense avoir le Blues Mothers.

    — Non !!! Pas toi Reinette !

    — Si. J’ai le moral au fond des Dim’up. Le cafard, le bourdon... Bref, c’est pas la frite.

    — Et ben alors ! Qu’est ce qu’il se passe ? Tes pensionnaires t’en font voir de toutes les couleurs ? Si c’est ça, tous en machine avec une lingette Décolor’Stop.

    — Nan ! C’est même le contraire, ô grande prêtresse de la parentalité. Ils sont devenus trop prévisibles. Je crois que je m’ennuie.

    — Oh ! Toi tu nous fais un « Born Out ».

    — Un quoi ?!

    — Un « Born-Out ». Tes grossesses t’ont usée. Tes hormones font du Hula Hoop et tu broies du noir au lieu du rose layette. Tu as l’impression d’être blasée, tu gères tout à la perfection et tu penses que le train train s’installe.

    — C’est exactement ça... Mais alors ?

    — Jeune Padawan... Patienter tu devra. De nouvelles catastrophes bientôt au Mansion arriveront. Enchantée, tout d’abord tu seras. Puis, furax ensuite tu deviendras. Et le quotidien chez les Sixinthecity reprendre pourra.

    — Ah bon ? Vous êtes sûre de cela, ô Diva du Co-dodo ?

    — Catégorique je suis. Queen Mummy je resterai. Si trompée je me suis, qu’en Chipeur le Renard transformée je sois.

    — Bon...Très bien... Merci Quenn-MummYoda.

    Je raccrochai tout à fait perplexe. La monumentale Quenny commençait à yoyoter sévère de la calebasse.

    Non, la vérité était tout autre, j’en étais malheureusement consciente : mes pensionnaires n’avaient pas le niveau.

    J’étais condamnée à de piètres expériences et à de mornes inventions durant les vingt prochaines années.

    La mort dans l’âme, je collai Dragibus devant Shaun le Mouton, Micro-Poulette à la sieste du matin, et entamai la tournée des grands ducs : j’entends par là une petite aération nécessaire des chambres avant qu’un réel fauve ne s’y sente chez lui, doublée d’un brin de ménage.

    Chez Numérobis, les petites voitures rangées façon maniaco-dépressif selon une ligne droite absolument parfaite faisaient front à une armée de petits soldats prêts à en découdre. Des chaussettes sales orphelines ornaient des piles de livres, les fèves se mêlaient aux billes, et des crayons de couleurs se liaient d’amitié à des cuillères en plastiques. Terriblement décevant.

    Chez Pretty-Poulette, des bandes dessinées ornaient le sol. Un énorme ours en peluche offert par sa marraine avait revêtu une robe Rebelle taille 8 ans, et des serres têtes servaient de crochets à une cabane faite de couvertures et autres vêtements. Pathétiquement commun. Lamentablement ordinaire.

    Non, décidément Queen Mummy avait perdu de sa superbe.

    Ses conseils ne valaient plus une roupie de sansonnet : mes enfants devenaient aussi prévisibles qu’un épisode de plus belle la vie.

     J’en étais là de mes lamentations lorsque je poussai la porte de la salle de jeux.

    Je fus de suite frappée par la beauté de la représentation qui s’offrait à moi.

    Là, sous mes yeux, se tenait toute notre petite famille : de Papa Schultz, à Micro-Poulette, de Dragibus à Pretty-Poulette en passant par Numérobis, nous étions tous dessinés.

    Mon cœur se gonfla instantanément de joie, et manqua d’exploser lorsque mon regard s’arrêta sur MA représentation.

    Reine-Mère en personne joliment tracée : une belle couronne vissée sur la tête, entourée d’une multitude de cœurs et d’étoiles, le tout dans des couleurs aussi gaies que chatoyantes !

    Étouffée par la fierté, je tentai avec grand peine de me remettre de mes émotions.

    Quelle œuvre, quelle beauté, et cette finesse du détail, ce souci de la précision dans le trait ! Et le plus beau, surtout pour le cœur d’une maman : une œuvre collective !

    En bas du magnifique dessin, Pretty avait délicatement inscrit son prénom en attaché, Numérobis en grandes lettres majuscules, et je les soupçonnai tous deux d’avoir aidé Dragibus à gribouiller un incompréhensible mais ô combien émouvant gribouilli !

     

    Je ressentis alors ce que m’avait prédit le puits de Sciences Maternelles qu’était définitivement Queen Mummy...

    Je me sentis soudain comblée d’amour.

    Un large sourire imprima mon royal visage.

    Mes joues rosirent avec élégance et mon pouls s’accéléra un chouïa.

    Puis, tel un second effet Kiss-Cool, je sentis une rage d’une force absolument considérable monter du plus profond de mes entrailles et gagner le fond de ma gorge. Cette haine se mua en un cri d’une puissance phénoménale, entendu, j’en suis certaine, jusqu’à la cour de l’école, distante de plus de 500 mètres du Sixinthecity Mansion.

    Ce dessin.

    Cette fresque.

    Ce chef d’œuvre à l’éclat resplendissant et aux reliefs si subtilement soulignés avait comme support le mur de la salle de jeux.

    Un mètre par deux.

    Au Velléda.

    Non, je n’avais pas à me montrer inquiète, j’avais encore de beaux jours devant moi.

     

    ©Sixinthecity     

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    Si tu ne le fais pas, quelque part dans le monde un enfant perdra son doudou, et ce sera pas bon pour ton karma.

     

     

    « Les indices qui permettent d'anticiper une nuit pourrie »

  • Commentaires

    1
    Lundi 3 Février 2014 à 20:48
    MumChérie

    Ahhh! J'adooooore ! :)

    J'ai l'impression d'avoir vécu la journée avec toi, du spleen au grand bonheur puis à la rage ! Tu racontes tout parfaitement !

    (au fait, je crois avoir reconnu mon sac à main avec les miettes de gâteaux et les lingettes desséchées... et aussi mes enfants dans plusieurs passages !)

    Vive la vie de famille !

    2
    Lundi 3 Février 2014 à 22:24

    merci! et au fait c'était bien ton sac à main! ;-)

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    3
    Fabienne
    Mardi 4 Février 2014 à 13:14
    Le verre à moitié plein: à ce moment-là ils étaient unis,
    Le verre à moitié vide: pour te faire rager!
    C'est du home-"staigin", refaire la déco avec presque rien!!
    Un mur veleda?
    Keep Cool
    4
    Mardi 4 Février 2014 à 13:30

    et si je te disais que la jolie fresque est juste à coté... du mut velléda !!! :-)

    heureusement, il y a un peu de fiction dans cette réalité ! ;-)

    5
    flo
    Mardi 4 Février 2014 à 13:49

    Le moral au fond des Dim'up...j'adore!


    Je suis fan de vous Queen Mummy!


     

    6
    Mardi 4 Février 2014 à 13:52

    rhoooo ben ça plaisir !!!!

    7
    Fabienne
    Mardi 4 Février 2014 à 15:13
    Rhooo que je suis naïve,
    Mais ici, certes les fresques ne sont pas collégiales, elles datent même d'époque différentes, mais elles atterissent bien sur la tapisserie, les portes, la table, les draps...
    Mais faut-il interdire la créativité?

    Au plaisir de te lire.
    8
    Mardi 4 Février 2014 à 15:15

    c'est excellent pour l'imagination!!!

    Mais ne t'inquiète pas, ils amènent tout de meme beaucoup d'eau à mon moulin !!!! 

    plaisir partagé!!!

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